Les pauvres

Ah ces pauvres qu’on ne veut plus voir! Que ce soit sur la rue, dans le métro, à l’épicerie, il y en a partout. Une vraie épidémie! Qu’ils disparaissent, qu’ils s’éduquent, qu’ils se rasent, se trouvent un emploi comme tout le monde!
Pourtant, ils sont utiles les pauvres. S’ils n’étaient pas là, pourquoi y aurait-il des gens qui travaillent au salaire minimum dans des conditions minables? Pourquoi se faire chier à 8$ de l’heure dans un dépanneur ou une station-service si on ne risque pas de tomber plus bas? C’est la peur d’un plus grand échec qui pousse des gens à accepter un échec juste un peu plus tolérable.

On lit ou on entend parfois: qu’ils aillent à l’école chercher un diplôme pour enfin sortir de la pauvreté! Mais pourtant, que se passerait-il si tout le monde avait un diplôme collégial, par exemple? Ça prendrait un baccalauréat pour travailler chez McDo. Car dans notre monde capitaliste, c’est la lutte de tous contre tous, la lutte de moi contre toi, de lui contre nous, de mon voisin contre le tien. Dans un monde globalisé ayant des besoins déterminés et non infinis en matière d’employés qualifiés, si moi - toi, ou nous - j’ai un diplôme et un emploi, c’est que quelqu’un quelque part est en compétition avec moi pour un emploi. Et les entreprises vont prendre la personne la plus qualifiée et pour le moins cher possible.
La lutte de tous contre tous. La loi de la jungle.

Les pauvres, ils ne peuvent pas disparaître, parce que le système a besoin d’eux. Ce sont eux qui poussent les salaires à la baisse; ce sont eux qui font le bonheur d’entreprises milliardaires qui n’ont pas à bien payer leurs employés grâce à cette masse de pauvres qui seraient prêts à faire le même travail pour moins cher.

En conséquence, si vraiment on voulait éliminer la pauvreté, ce ne serait pas en donnant des coups de pied dans le cul à ceux qui en sont victimes comme le fait la droite, mais plutôt en valorisant des changements économiques et politiques permettant une meilleure redistribution de la richesse.

Car tant et aussi longtemps que nous refuserons de bien répartir cette prospérité, les pauvres existeront et entraîneront nos salaires et nos conditions de vie vers le bas. Et puisqu’ils sont en compétition contre tous les pauvres de la planète, nous ne pourrons jamais les aider - et nous aider - en laissant le libre-marché décider de tout.

C’est à l’État de prendre ses responsabilités et d’assurer un niveau de vie décent pour tous, car nous en serons tous gagnants, pauvres comme ceux qui ont peur de le devenir.
Paru sur le blogue Un Homme en colère